Voici la nouvelle et troisième BD de Diglee, « Forever Bitch ». La it dessinatrice répond aux questions de Grazia.fr à cette occasion. Maureen Wingrove, plus connue sous le pseudonyme de Diglee, est une dessinatrice, auteure et illustratrice lyonnaise. Ce nouvel opus est tout à fait dans l’esprit « girly » auquel son blog est souvent (et à son grand désespoir) un peu vite résumé. Drôle, fashion, émouvant et parfois un peu cru, le tout avec un savoureux coup de crayon et une plume addictive.
Voici les huit questions que nous avons posées à Diglee, pour le plaisir de la découvrir… ou de la redécouvrir.
Grazia.fr : Pour celles qui ne vous connaissent pas encore, quelle est votre signature dans le dessin et l’écriture ?
Diglee : C’est toujours difficile d’avoir du recul face à notre propre travail mais je pense que pour le moment, on me reconnaît surtout dans l’autodérision, un trait caricatural assez féminin. Je pense que dans la tête de mes lecteurs, je suis juchée sur des talons improbables argentés ou à paillettes, je déblatère des théories assommantes sur Anaïs Nin ou Lou Andréas Salomé (deux femmes de lettres du début du 20e siècle, ndlr) pendant que je tiens un ballon irisé en forme de licorne. Il me semble, à confirmer. Ce serait drôle, ça, un sondage « Qu’est ce qui représente Diglee ? » Ego trip mis à part, je suis sûre que je serais surprise de l’image que je renvoie. Enfin… tout compte fait, je crois que mieux vaut ne pas se faire de mal.
G : De blogueuse à illustratrice freelance et auteure, expliquez-nous votre parcours ?
D : Avant d’être illustratrice et même blogueuse, j’étais étudiante à l’école de dessin Emile Cohl à Lyon, ma ville d’origine. En 2007 j’ai ouvert un blog, d’abord pour exposer mon travail et contacter les éditeurs, puis très vite pour assouvir le besoin inhérent à ma personnalité d’écrire et dessiner des scénettes du quotidien. À bas le journal intime classique, j’ai vite pris goût à l’échange direct avec les lecteurs qu’offre le blog. En 2009, année de mon diplôme, j’ai été repérée par le site Madmoizelle.com, pour qui j’ai tenu une petite rubrique dessinée pendant quelques mois. Ça m’a beaucoup aidée. Les éditeurs se sont penchés sur moi petit à petit, et avant d’être diplômée j’avais déjà travaillé pour « Je bouquine », Fleurus ou Nathan. Puis en 2010, il y a eu mon premier livre, l’adaptation de mon blog en papier. Mon lectorat s’est élargi, le tome 2 est sorti en 2011, j’ai fait de superbes rencontres, et depuis je travaille non stop, à 50 % pour la BD, et les 50 % restants partagés entre la pub et l’édition. Je ne chôme pas, quoi !
G : Quels sont vos thèmes de prédilection ?
D : Tout mon travail s’axe sur les relations humaines. Sur l’intime, le réel, la trivialité du quotidien… la vie, en somme. Je suis friande d’anecdotes et d’histoires vécues. Je pense que j’ai un gros souci avec le besoin de laisser une trace. Je sais qu’on évolue dans une ère numérique, et ça me fend le cœur de savoir que notre vie se résume à un compte Facebook et un fichier Dropbox de photos Iphone, pour les plus prévoyants. Que nos futurs petits enfants n’auront presque plus de traces papiers de leurs ancêtres. Moi qui suis une nostalgique maladive, ça m’angoisse beaucoup. Si je dézoome encore, je peux synthétiser en disant que j’aime travailler l’être humain dans son ensemble. J’aime l’ancrer dans une époque, comprendre ses aspérités, l’analyser, en faire son portrait. C’est le meilleur objet d’étude que j’ai trouvé ! Alors, j’ai commencé par l’étude de moi-même. Quoi de plus facile que de parler de soi ? Puis dans Forever Bitch, je lâche l’autobio et me lance dans l’étude d’autres personnes. Je me mets de côté et prends des notes, pour ancrer mes personnages dans le réel, les figer sur le papier.
G : Votre nouvelle BD, Forever Bitch, sort aujourd’hui. Comment résumeriez-vous celle-ci pour nos lectrices ?
D : Cette BD, c’est la vie intime de trois jeunes femmes d’aujourd’hui, à l’approche de la trentaine. Ce sont leurs intrigues amoureuses, sexuelles, leurs amitiés, leurs parents, leurs questions sur le couple et l’amour en général.
® Diglee/Editions Tapas Delcourt
G : Pourquoi ce titre ?
D : Parce qu’il me semble qu’il y a une sorte de phénomène émergent qui banalise le mot « bitch », en ce moment. On compte au moins deux chansons par mois qui comportent ce terme. C’est choquant, gênant et générationnel à la fois. De Britney à Rihanna en passant par Gaga ou Miley Cyrus, toutes les petites nanas du moment semblent se l’approprier, comme pour démanteler l’insulte à la source. À l’instar de Kanye West, Jay-Z, A$ap Rocky ou n’importe quel rappeur black américain du moment, qui ont remodelé l’insulte suprême de « nigga » (nègre) en réel signe d’appartenance à un groupe. Comme si finalement, dans cette société encore pleine de tabous et d’intolérance, le premier pas pour les minorités était de s’approprier l’insulte pour la tempérer, la faire sienne. Je suis à la fois réellement sceptique en tant que femme, face à la vulgarisation de ce terme et en même temps fascinée par le phénomène. En tant que petite espionne de ma génération, l’utiliser c’est montrer cette réalité. En 2013, oui, on dit « bitch » à tout-va, que cela me plaise ou non.
® Diglee/Editions Tapas Delcourt
G : De qui vous êtes-vous inspirée pour les personnages ?
D : Je me suis inspirée de trois de mes amies un peu plus âgées. Je les ai suivies pendant un an, à travers leurs aventures amoureuses et amicales. J’ai pris des notes, je les ai enregistrées pendant nos soirées, et leur ai envoyé une flopée de questionnaires word pour bien cerner leur caractère, leurs réactions, leurs buts dans la vie, leur vision de l’amour… Puis j’ai brodé au moment de l’écriture, j’y ai mis de moi (mon bar fétiche, ma grande-tante, mon meilleur ami), j’ai arrondi, peaufiné et le réel s’est mêlé à la fiction. Je dis ça pour ne pas qu’à chaque fois, leurs potes leur demandent « Hey ! C’est vrai que ton mec pisse assis ? » ou « Trop bien, alors comme ça tu es pour la sodomie ? ». C’est quand même gênant.
G : Un petit peu de mode avant de finir : vos personnages sont toujours très lookés. Quelles sont les tendances de cette saison que l’on retrouvera bientôt dans vos illustrations et sur votre blog ?
D : Ma foi, je ne sais pas. J’ai lâché la paillette et le doré depuis fort longtemps. Mes lecteurs et moi-même sommes perdus ! Je reste quand même attachée au pastel, quand il fait bien froid : pull bleu ciel, col contrasté, collants blancs en laine et manteau rose pâle. Ah si : je veux un manteau rose dans la lignée du Carven, fabuleusement marshmallow de cet hiver. Sinon comme à chaque automne, je veux de la laine bouillie, du gris, du bleu nuit, du pourpre, du bordeaux, du velours, des robes à col régressif et des petites bottines. En ce moment je suis très unisexe : gros manteau oversize – je louche sur un modèle American Apparel, comme d’habitude – jean taille haute et petites boots ouvertes ( Balenciaga like). Je suis dans le simple. Faut dire que depuis que j’ai chiné un sac Chanel vintage à New York, il va avec TOUT et rend toutes mes tenues fabuleuses : plus besoin de me creuser la cervelle, c’est de la magie !
G :Quel est votre prochain projet ?
D : Mon prochain projet est un opus fictif sur les amours d’une jeune femme dans les années 20-30. Un portrait, encore. Quatre relations, quatre amours, une femme. Ça s’appellera Anna, ce sera écrit avec un ami scénariste. Ce sera en noir et blanc et c’est très différent de tout ce que j’ai pu faire jusque là. Je suis terrorisée et en même temps terriblement excitée par la concrétisation d’un tel projet, que je traîne dans mes cartons depuis presque 3 ans.
Forever Bitch,
Editions Delcourt G. Productions,
Collection Tapas, 80 pages, 14,95€
Par Olga Volfson de Grazia.fr
RÉSUMÉ DE « FOREVER BITCH », LA NOUVELLE BD DE DIGLEE
Louise a bientôt 30 ans. Elle soigne la dépression de son chat Gaspar au Prozac, vit avec Fred, son homme depuis 3 ans déjà, et partage ses drames émotionnels avec Maud, Audrey, (ses deux meilleures potesses aux caractères pour le moins antinomiques) et Julien, son BGF (Best Gay Friend).
Maud est single : reine du Booty Shake, elle exerce ses talents dans les clubs les plus hot de la ville, et surfe sur les hommes avec appétit depuis sa tragique rupture avec Sylvain, ex-potentiel-homme-de-sa-vie. Mère Thérésa du plan cul, Maud ne recule devant rien ni personne (s’il est black c’est encore mieux), tant qu’il ne porte pas la banane zippée et le jogging blanc.
Audrey est maquée depuis un an avec Jonathan, son prince charmant, et rêve de compte commun, de pick-up familial et de balades en forêt. Adulée par Beau-Papa et Belle-Maman, elle vit d’amour et d’eau fraîche avec son Roméo, au grand dam de Maud, viscéralement mais secrètement jalouse de tant de niaiserie doucereuse.
Tout allait presque pour le mieux dans le pas si mal des mondes quand Louise, à sa plus grande surprise, se fait demander en mariage à New York.
Chronique douce-amère d’une génération de pré-trentenaires paumés, attachants et accros à Facebook.
En espérant que ça vous plaira!