Pour la première fois, Bruno Dumont a engagé une véritable comédienne pour un de ses films. Résultat: Juliette Binoche est une Camille Claudel magnifique.
On ne devrait jamais écrire une telle phrase: « Je voulais que Juliette ne fasse pas grand-chose. C’est ce qui m’intéressait. » Un truc à faire fuir le spectateur et le lecteur, ce qui ferait beaucoup d’un seul coup. Mais ils auraient tort. Juliette, c’est Binoche, et celui qui parle, c’est Bruno Dumont, réalisateur de Camille Claudel 1915, ou trois jours de la vie de l’artiste enfermée en hôpital psychiatrique pendant trente ans.
C’est donc la nouvelle de la semaine : cinéaste des humeurs du corps et de l’âme, auteur de L’Humanité et de Flandres, amateur de comédiens amateurs, Bruno Dumont vient de tourner avec la (grande) Binoche, pro d’entre les pros. « Elle a pris les devants, se souvient le metteur en scène. Ça m’a plu. Charge à moi de trouver un rôle dans ses cordes, une histoire qui lui plaisait. » Lui qui est à l’aise dans le naturalisme, fût-il onirique, fantastique ou organique, cherche alors une femme qui a le même âge que l’actrice et qui a des liens avec le milieu artistique. De fil en aiguille, il pense à Camille Claudel, sculptrice, internée à la demande de sa famille, de 1913 jusqu’à sa mort, en 1943.
« Voilà un personnage poignant, tragique, que je voulais approcher d’une manière non spectaculaire. Je pouvais ainsi réduire Juliette Binoche à l’oisiveté. » Ne pas y voir de la perversion, plutôt un moyen de filmer un visage pour y déceler la vérité humaine. Binoche excelle à ce petit jeu. Et Dumont prouve que les professionnels ne sont pas moins bons que les amateurs.