Nous saluons la sortie d’un nouveau média web à Lyon « L’Arrière-Cour » lancée par le journaliste Raphaël Ruffier-Fossoul, ex-rédacteur en chef de Lyon Capitale et évincé du journal pour avoir été l’auteur d’un documentaire sur Gérard Collomb, « De Gérard à Monsieur Collomb, itinéraire d’un baron », diffusé sur France 3, puis le 25 janvier 2020 sur Public Sénat (réalisé par Sylvie Perrin et produit par 13 productions)… Ca en dit long sur le système Collomb!
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Journée décisive pour L’Arrière-Cour ! Nous vous envoyons notre première édition, dans laquelle nous avons essayé de comprendre qui était Bruno Bernard, l’homme qui s’impose pour l’instant dans les sondages comme le challenger numéro 1 de Gérard Collomb pour la présidence de la Métropole de Lyon. Il nous a accordé un entretien d’une heure, où l’on peut déjà avoir les grandes lignes du programme que les écologistes dévoileront mardi prochain. Portrait d’un homme, qui reste encore un inconnu aux yeux du grand public, mais qui pourrait jouer un rôle décisif demain dans l’une des plus grandes collectivités locales de France.
« Cela va se jouer entre Bruno Bernard et nous ». Aux yeux de la garde rapprochée de Gérard Collomb, le candidat investi par les écologistes pour la présidence de la métropole serait désormais leur principal concurrent. Et naturellement, cela les arrange : pour l’ancien ministre de l’Intérieur, les Verts ont l’avantage de faire figure d’épouvantail qui rendrait beaucoup plus facile un ralliement derrière son nom au moment crucial, sur les airs déjà joués de « moi ou le chaos », ou plus précisément cette fois « moi ou la décroissance ». La stratégie a le mérite d’être éprouvée. En 2001, Collomb avait fait appel au « barrage républicain » contre le candidat jugé trop à droite Charles Millon. Il avait rejoué le même air pour faire battre Dominique Perben en 2008. En 2014, le danger venant de l’autre bord, Collomb avait cette fois eu recours aux Verts pour faire barrage à son ancienne protégée Nathalie Perrin-Gilbert. En 2020, Gérard Collomb aborde le scrutin en favori du premier tour, mais sans réserves pour le second. Alors osera-t-il chercher de nouveaux alliés à droite… pour faire barrage aux écologistes, ses alliés des 20 dernières années soudainement devenus infréquentables ? Le scénario semble en tout cas nettement plus favorable qu’un affrontement final avec son ancien dauphin, David Kimelfeld, dont la capacité de rassemblement paraît autrement plus redoutable. Et l’on se gardera bien d’enterrer ce dernier trop vite, alors que le mode de scrutin rend très improbable le jeu des pronostics.
« On ne naît pas écologiste, on le devient »
Il n’empêche, sondage après sondage, c’est pour l’instant bien Bruno Bernard qui s’impose comme le premier des challengers. C’est donc avec lui que L’Arrière-Cour a choisi de démarrer sa série de grands entretiens, pour chercher à comprendre sa personnalité et ses ambitions. Parce qu’il suscite une curiosité légitime, nous avons mis en ligne cet entretien dans son intégralité et sans montage, en le laissant prendre le temps de répondre aux questions (à retrouver sur youtube). Inconnu du grand public, l’ancien élu villeurbannais n’est pourtant pas un novice en politique. Il est même pour ainsi dire, tombé dans la marmite lorsqu’il était petit… Son père était en effet Roland Bernard, le sénateur socialiste décédé en 2009 (à ne pas confondre avec son homonyme, élu lui aussi à la métropole). C’est dans leur maison de famille que toute la Mitterrandie se retrouvait après avoir gravi la roche de Solutré. D’après la légende, Dalida faisait la vaisselle tandis que « tonton » faisait sauter le petit Bernard sur ses genoux… Fidèle jusqu’au bout de François Mitterrand, Roland Bernard avait eu un rôle central dans le PS des années 70 et 80, après un début de carrière fulgurant : maire d’Oullins à 32 ans, député à 37 ans, sénateur à 42 ans… Patron du PS local, c’est lui qui implante Charles Hernu à Villeurbanne, Jean Poperen à Meyzieu… et Gérard Collomb dans le 9e arrondissement de Lyon, convaincu que c’est par ce quartier que la gauche finira par emporter la ville. Son fils Bruno a lui aussi fait un passage au PS dans ses années étudiantes, « par fidélité familiale ». Avant de faire le choix des écologistes après l’élimination de la gauche au second tour de la présidentielle 2002. « On ne naît pas écologiste, on le devient », dit-il.
« Il a toujours trois coups d’avance sur tout le monde »
S’il existe un gène de la politique, c’est en tout cas à son fils Bruno que Roland Bernard l’a transmis. « Comme son père, Bruno Bernard est un fin connaisseur de la carte électorale et a le goût du jeu politique, des négociations qui se pratiquent comme on joue aux échecs » confie Jean-Christophe Vincent, un proche de Collomb qui a longtemps été le spécialiste des élections au PS et confie : « c’était le seul que je redoutais vraiment, il était meilleur que moi. » Ce talent n’est d’ailleurs pas passé inaperçu chez les écologistes, puisque Bruno Bernard, qui a longtemps été à cheval entre Villeurbanne et Paris pour ses activités professionnelles et politiques, est devenu le responsable des élections et des relations avec les autres partis au sein de la direction nationale du mouvement. « Il est sympathique, diplomate, courtois, travailleur et a beaucoup de réseau » assure l’ancien chef de fil des écologistes, Étienne Tête, qui serait pourtant bien reparti lui-même pour un tour mais est convaincu de la qualité du duo que Bruno Bernard incarne avec le candidat écologiste à la ville de Lyon Grégory Doucet. « Bruno a une intelligence des situations exceptionnelles, il a toujours trois coups d’avance sur tout le monde. C’est le meilleur pour négocier, pour qu’on pèse un maximum. Je lui fais totalement confiance » abonde la candidate investie à Villeurbanne, Béatrice Vessiller, qui a pu le côtoyer lors de sa seule expérience électorale pour l’instant, comme élu de Villeurbanne et du Grand Lyon entre 2008 et 2014. Passionné de basket, il est souvent monté au créneau durant ces années pour défendre le sport amateur, plutôt que les clubs professionnels comme l’ASVEL et l’OL, dont il suit pourtant l’actualité avec intérêt mais estime qu’ils « n’ont pas besoin d’argent public ». « Il s’est aussi beaucoup intéressé aux questions économiques et financières, il est lui-même chef d’entreprise. C’est un écolo pragmatique, il veut des résultats concrets tout de suite, l’installation de composts, du bio dans les cantines, que l’on rénove des bâtiments… Il ne fait pas de promesses à 20 ans », poursuit Béatrice Vessiller.
« Un, peut-être deux mandats ».
À 50 ans à peine, Bruno Bernard a la particularité d’être déjà en retraite de sa vie professionnelle. Il a en effet passé la main au sein de l’entreprise de désamiantage qu’il avait créé en 2007 et qui emploie aujourd’hui 25 personnes. « Je suis rentier » assume-t-il, précisant que c’est aussi parce qu’il se contente d’un mode de vie économe, mais estimant important de ne « pas dépendre de la politique. » Fin politique, chef d’entreprise, le profil n’est tout de même pas si courant chez les écologistes et explique pourquoi « il s’est imposé assez naturellement » chez les Verts, assure Étienne Tête. Dans l’entourage de Gérard Collomb, on pointe son inexpérience dans la gestion d’une collectivité de près de 9000 agents. « À ce compte là, on ne peut élire que des sortants » répond-il sereinement, confiant dans « la qualité de la machine administrative » sur laquelle il pourra s’appuyer en cas de victoire. « Ne pas être connu, c’est aussi ne pas être élu depuis 20, 30 ou 40 ans. Pour moi, c’est aussi un point positif. Ces élus, le problème c’est qu’ils n’ont plus aucun contact avec la vie réelle, le milieu professionnel » lance-t-il, estimant que les grands élus ne devraient pas faire plus de « un, peut-être deux mandats ».
Cela ne suffit pas à convaincre le candidat désigné par LR, François-Noël Buffet, qui rappelle qu’il « a fait partie de l’équipe qui a battu son père (Roland Bernard) en 1990 » à la mairie d’Oullins, mais a « conservé jusqu’au bout d’excellentes relations avec lui ». S’il se voit bien quelques points d’accord environnementaux avec le fils, il diffère pleinement sur la philosophie générale, dénonçant une « écologie punitive, régressive », quand il défendrait au contraire « une écologie vertueuse, positive, pour ne pas se retrouver dans la situation de Grenoble, qui est en train de décrocher ». On dirait du Gérard Collomb dans le texte. S’il faut des alliances au 3e tour, François-Noël Buffet prévient d’ailleurs qu’il se voit bien discuter avec tous les républicains, mais qu’avec les écologistes, ce sera « difficile ». Entre les lignes, on comprend qu’une alliance avec Gérard Collomb n’aurait elle rien d’impossible. La droite et Gérard Collomb d’un côté, les écologistes de l’autre, les grandes lignes du débat futur semblent posées, d’autant que Bruno Bernard ne limite pas à la seule question du périphérique les clivages irréconciliables qu’il perçoit entre les deux projets. Dans l’entretien qu’il nous accorde, il remet profondément en cause le modèle « d’attractivité » construit depuis 20 ans par Gérard Collomb, au profit d’un plus grand « équilibre entre les territoires », estimant qu’il ne faut « pas toujours plus de monde à Lyon, alors qu’il y a 15 000 logements vides à Saint-Etienne ». Reste à voir avec qui Bruno Bernard sera capable de s’allier. Avec la gauche unie, menée par Renaud Payre, les discussions seront naturelles. Avec Nathalie Perrin-Gilbert et France Insoumise, il se montre plus dubitatif. Mais est-il prêt à travailler avec David Kimelfeld, dont il reconnaît que sur les sujets sociaux « il y a eu une amélioration » depuis que ce dernier a pris la présidence de la Métropole ? On note que tous les quatre sont issus du PS… Dans un ordre ou dans un autre, l’alliance d’au moins trois de ces forces semble en mesure de l’emporter. À condition de ne pas apparaître comme un bricolage bringuebalant de dernière minute ! Mais pour l’instant, Bruno Bernard évite la question, restant fixé sur l’objectif d’être le plus haut possible au soir du premier tour, le 15 mars prochain. La journée et la nuit qui suivront s’annoncent des plus longues. Les verts l’abordent au moins avec la conviction de disposer d’un excellent négociateur.
Raphaël Ruffier-Fossoul
pour L’Arrière-Cour
Raphaël Ruffier-Fossoul – Journaliste puis rédacteur en chef de Lyon Capitale et du Lanceur depuis presque 20 ans, Raphaël Ruffier-Fossoul a été prié de quitter son poste à quelques semaines d’une échéance cruciale pour notre agglomération, les élections municipales et métropolitaines qui se tiendront les 15 et 22 mars prochain. Cette décision a été prise par l’actionnaire apparemment en raison du documentaire sur Gérard Collomb « De Gérard à Monsieur Collomb, itinéraire d’un baron » : https://youtu.be/aHf-z6e4ij4 qu’il a réalisé pour France 3 (et dont l’intéressé s’est plaint de la dimension “critique” avant même qu’il ne soit tourné). Cela nous paraît injuste et même regrettable pour la diversité du paysage médiatique lyonnais, qui se voit ainsi privé d’une parole particulièrement libre et indépendante.
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